RESISTANCE et LIBERATION
Hormis les actions purement militaires (campagne de France, libération du territoire, théâtres extérieurs), les ressortissants indochinois ont participé à de nombreuses actions de résistance.
Si les acteurs pricipaux sont à rechercher du côté des tirailleurs, un certain nombre de travailleurs indochinois ont rejoint les maquis, aidé des résistants ou saboté les ouvrages lors de leur construction.
Les militaires indochinois
Qu'ils soient appelés annamites, tonkinois ou indochinois, les tirailleurs, mitrailleurs, pionniers, etc .... étaient des militaires et ne sont pas le sujet principal de ce site.
Le parcours de ces militaires revêt pourtant bien des points communs avec celui des travailleurs civils, à tel point qu'il est parfois difficile de distinguer les uns des autres. Les travailleurs eux mêmes, ou leurs proches, ne nous facilitent pas toujours une bonne compréhension des choses, qui parlent de leur "service militaire", de leur démobilisation, de pension militaire ou de livret militaire. Quelques uns se considéraient d'ailleurs comme des "soldats sans arme".
Il est vrai , à leur décharge, que bien des situations entretenaient l'équivoque :- une histoire parallèle en temps et en lieux,
- un encadrement des travailleurs civils par des militaires ou d'anciens officiers, voire par des civils avec uniforme,
- une organisation "militarisée" (structure en Compagnies, Légions, grades, …) en ce qui concerne les Travailleurs, source de bien des confusions,
- un habillement quelquefois d'origine militaire,
- des cantonnements dans d'anciennes enceintes militaires,
- des pensions de travailleurs alignées sur celles des tirailleurs, ...Mieux encore, le Service de la M.O.I. (Main d'œuvre Indigène, Nord Africaine et Coloniale) prendra en charge la gestion de certains militaires coloniaux démobilisés et désarmés après l'Armistice. Les tirailleurs indochinois, regroupés avec d'autres coloniaux, malgaches notamment, dans des G.M.I.C.R. (Groupements de Militaires Indigènes et Coloniaux Rapatriables), en attente de possibilités de transport pour rejoindre leurs pays, seront mis au travail au sein de compagnies de travailleurs qui porteront une numérotation recoupant en partie celle des compagnies civiles et séjourneront souvent à proximité de leurs compatriotes.
On peut dire que les deux composantes indochinoises auront connu un sort assez analogue, hormis les périodes de combat (Campagne de France, Résistance, Indochine).
Les militaires indochinois dans la Résistance
Les tirailleurs indochinois, nous l'avons signalé, ne sont pas le sujet central de ce site. Nous nous bornerons donc à dire qu'ils furent nombreux à rejoindre des maquis à proximité de leur lieu de détention ou de travail. On citera le cas du maquis de l'Oisans, dont des éléments de la 13ème et surtout de la 14ème compagnie de travailleurs des G.M.I.C.R. furent à l'origine, autour du Capitaine LANVIN LESPIAU. On retiendra encore la présence de tirailleurs dans plusieurs maquis de l'Yonne et de Côte d'Or.
Une photo du Groupe Tarzan dans la région d'Is sur Tille. On y reconnait sept Indochinois
Des travailleurs indochinois résistants
Il n'était pas évident pour ces travailleurs encadrés, sans formation militaire, parlant mal le français, ayant peu de rapport avec la population et pas très au fait de la situation politique de franchir le pas menant aux maquis. Certains le feront cependant, soit par petits groupes et à leur initiative, soit en unités, leurs chefs répondant aux sollicitations de la Résistance locale.
Signalons les faits ci-après :
- "certaines compagnies, telle la 62ème à Cajarc ou la 19ème à Brive, se trouvèrent dans des régions tenues par la Résistance. Elles apportèrent à celle-ci une aide effective, d'abord en ravitaillement, puis en hommes"
Témoignage de B.V. du 18 août 2004 :
"j'ai été affecté en Juillet 1943 à ma sortie de l'Ecole Nationale de la France d'Outre-Mer à BRIVE pour servir à la 19ème compagnie de travailleurs indochinois ...."
"un soir, vers le 10-12 juin 1944, le secrétaire Thieu, accompagné de plusieurs travailleurs est venu m'alerter chez moi de la "désertion " de plusieurs travailleurs "partis au maquis" et m'indiquer que d'autres étaient décidés à suivre le même chemin." Connaissant bien la région et les cellules de maquis avoisinantes, j'entrepris d'aller négocier le retour des "déserteurs" avec l'appui du surveillant Thieu...."
"j'ai été étonné et satisfait de la "docilité" avec laquelle ceux qui avaient pris le large-une dizaine environ-ont accepté mes arguments et se sont pliés à mon désir de les voir revenir dans leur unité...." En fait, ils m'ont écouté et m'ont fait confiance. Il faut dire que j'avais un argument de poids : la nécessité de demeurer unis, qu'ils voulaient bien comprendre, était compatible avec le désir de beaucoup d'entre eux de faire quelque chose et de rejoindre la Résistance. Je pouvais leur offrir les deux puisque depuis des jours je négociais en secret le ralliement de la compagnie au "maquis"..."
"Lorsque tout fut prêt, toute la compagnie, en bon ordre, est partie au maquis de Corrèze avec son Etat-major..."
- "la 16ème compagnie toute entière fut incorporée au groupe de Résistance François Ier à Bergerac"
- une section de travailleurs civils indochinois en provenance de Sorgues était intégrée au Ier Régiment F.T.P. de la Drôme qui défila lors de la libération de Montélimar
- dans le Languedoc, des travailleurs des chantiers Todt de Bédarieux ont rejoint le réseau Action Ouvrière du Commandant Janvier.
Dans son livre "L'autre Résistance", Gérald SUBERVILLE parle en ces termes des Indochinois de son groupe, qui le suivirent après les F.F.I. :
La section viet du bataillon
"A peine amenée sur ce qu'il est convenu d'appeler "le front", étalé linéairement le long d'une digue qu'une forêt marécageuse séparait du fleuve, la section d'Indochinois se mit avec ardeur à jouer de la pelle pour enterrer les positions. Anciens travailleurs des chantiers Todt de Bédarieux ....., nos "Viets" étaient décidément la perle de l'unité. A Béziers déjà, dans la vie de caserne des lendemains de maquis, ils avaient été le ciment du bataillon. C'est que pour les maquisards héraultais, la tentation était vive de sauter le mur, et nos héros se pliaient fort mal aux obligations de la vie de caserne. Pourtant, les bâtiments étaient toujours propres, la garde bien assurée, les corvées exécutées : tout cela, c'étaient les Indochinois qui s'en chargeaient. Discrets, serviables, les Viets étaient manifestement d'un niveau politique très supérieur à leurs camarades. Je les avais entendu invités à se choisir eux-mêmes leurs chefs de groupe et leur lieutenant. Après quoi, ils s'arrageaient pour devenir tout à fait indispensables..... tout en ne faisant jamais parler d'eux. Pas un de nos gars n'eut jamais avec les Viets le plus léger différend, et ils avaient acquis la plus haute estime de tous. Leur présence parmi nous et leur attitude exemplaire, étaient évidemment dictées par la volonté de conquérir des sympathies populaires en France, pour leur propre cause nationale et révolutionnaire. Mais c'est précisément ce que ne pouvait souffrir le commandement d'une armée française que ses chefs destinaient et préparaient déjà à la guerre contre l'Indochine. Voilà pourquoi je fus convoqué au Quartier Général de la Première Armée, où DE LATTRE régnait sur un univers de "naphtalinards".
Jamais un "Annamite" ne fera un guerrier
On m'introduisit auprès d'un colonel de la coloniale, chef de l'un des bureaux de l'Etat-Major, un sanguin que l'Armée et le pastis avaient tenu en bonne forme. Sans doute nous arrivait-il de quelque brousse via Alger. Et aussitôt de s'indigner : "Quoi ! des Indochinois sur le front ! Vous allez les démobiliser immédiatement !" Evidemment je m'y refusais, aussi poliment que j'en étais capable, expliquant pourquoi nous avions confiance en ces hommes. Le colonel éclata : "Mais, malheureux ! Vous n'y connaissez rien, vous ! Des gens comme vous nous ficheraient l'Empire en l'air ! Et vous leur payez la même solde qu'aux soldats français ?" Là, il s'étrangla, le colonel. Pourtant, il finit par s'émouvoir quelque peu de mon désespoir. Car je savais que cette fois, il allait falloir éxécuter cet ordre monstrueux. Et je devinais trop les rééls mobiles ..... Alors, pour me consoler, le colon se fit paternel : "Les Annamites sont bons pour faire des infirmiers. Tout le monde sait cela à la colonie. Jamais un Annamite ne sera capable de faire la guerre !" Quand nos Indochinois partirent, après un meeting du bataillon, les gars de l'Hérault pleuraient d'émotion. Ils firent une haie d'honneur jusqu'au camion qui allait les déménager, et ils leur présentèrent les armes.
C'est dès fin 1943 que furent constatés les premiers départs de travailleurs vers les maquis.
On constata en effet à cette période de nombreux ralliements aux F.T.P. qui correspondaient sans doute à la convergence de plusieurs facteurs tels que :
- désir de s'affranchir d'un encadrement discrédité,
- espoir d'obtenir de meilleures conditions d'existence,
- émulation et euphorie de la Libération en cours,
Cette sorte de désertion n'était d'ailleurs pas du goût des Autorités ainsi que l'atteste le télégramme suivant adressé par le Ministre du Travail aux Commissaires de la République des départements concernés :
"j’attire instamment votre attention sur les graves inconvénients présentés pour des fins de politique indigène par l’enrôlement dans les F.F.I. de Travailleurs Indochinois relevant du Service de la M.O.I.. Je vous prie de bien vouloir prendre toutes mesures utiles pour que ces travailleurs soient dirigés sans retard sur leurs compagnies en vue de procéder à leur reclassement professionnel avant leur rapatriement, ou à la participation éventuelle des meilleurs éléments aux opérations d’Extrême-Orient ".
En cette fin 1944 il est clair que les nouvelles autorités issues de la Résistance auront à trouver des solutions pour réconcilier les Travailleurs Indochinois avec leur tutelle et permettre leur retour chez eux dans de bonnes conditions tant pour eux mêmes que pour l'avenir de la Colonie.
Une vue d'ensemble de la participation des Indochinois à la guerre en Europe vous est proposée sur le site de l'A.N.A.I.
Politisation et émancipation des Travailleurs Indochinois