LA M.O.I. et LA D.T.I.
Le Service de la M.O.I.
Dépendant du Ministère du Travail, le Service de la Main d'Oeuvre Indigène, Nord-Africaine et Coloniale en abrégé M.O.I.,
Créée le 18 novembre 1939, soit trois jours avant l'arrivée à Marseille du premier navire chargé de travailleurs, elle n'est pas à confondre avec la Main d'Oeuvre Immigrée, organisation communiste créée en 1923, pour encadrer les travailleurs étrangers immigrés en France. Durant la guerre, la Main d'Oeuvre Immigrée constituera l'avant-garde des Francs Tireurs et Partisans (FTP-MOI).
Source : Journal Officiel
Certains parlent aussi, improprement, de Main d'Oeuvre Indochinoise. On comprend aisément la méprise. En effet, si le Service devait aussi s'occuper des travailleurs malgaches et des travailleurs Nord-Africains jusqu'à leur rapatriement, le fait est que les évènements l'ont amené à ne gérer progressivement que les seuls Indochinois.
En fait la qualité purement indochinoise de ce Service, ne sera traduite dans son appellation, qu'au moment où il passera sous la tutelle du Ministère des Colonies et deviendra la D.T.I., Direction des Travailleurs Indochinois (mi-1945).
Source : Les Documents Français n° 6 de juin 1942
L'organisation de la M.O.I.
Les Travailleurs Indochinois furent groupés en Compagnies et Légions.
La Compagnie comprend en théorie dix groupes de 24 travailleurs, chacun ayant à sa tête un surveillant annamite, soit 250 hommes. A l'origine de leur formation, les compagnies comprennent le plus souvent possible des hommes originaires du même huyen.
Chaque travailleur appartient donc à une compagnie dite d'origine. Certains resteront pendant toute la durée de leur séjour au sein de la même compagnie, d'autres, migreront temporairement ou non vers d'autres compagnies en fonction des possibilités ou besoins.
La Légion regroupe plusieurs compagnies. Cinq furent créées, qui se trouvaient dans un premier temps à Marseille, Bordeaux, Toulouse, Sorgues et Agde. Elles furent ensuite amenées à déplacer leur siège pour suivre les compagnies dont elles assuraient le commandement au plus près de leurs lieux de travail.
Stationnements successifs du P.C. des Légions Indochinoises
1ère Légion Toulouse Agde Lodeve Decines Lyon 2ème Légion Bordeaux Bergerac 3ème Légion Sorgues Grenoble 4ème Légion Toulouse 5ème Légion Marseille
Une subdivision qui sera quelquefois utilisée est le "groupement de compagnies" lorsque plusieurs d'entre elles se trouvent, par les hasards des emplois, sur les mêmes lieux.
Les compagnies ne sont pas toujours employées au complet. Elles sont alors divisées en détachements.
L'Encadrement des Travailleurs Indochinois
D'un point de vue général, sa composition était la suivante :
Comme les travailleurs n'étaient venus en France que provisoirement, leurs agents d'encadrement ne pouvaient être que des personnels détachés ou des recrues temporaires. Encadrement Européen Encadrement indigène1) Agents contractuels composés de militaires ou de fonctionnaires en retraite ou en disponibilité
1) Interprètes et surveillants major recrutés en Indochine, ils se distinguent pour leur connaissance du français et leur style européannisé 2) Agents détachés composés de militaires ou de fonctionnaires en activité 2) Dès les premiers mois, l'insuffisance des cadres fut constatée et l'on recruta en Indochine ses sous-officiers de tirailleurs ou de la Garde Indigène
3) Toujours pour renforcer l'encadrement, un second niveau de surveillants fut créé pris parmi les travailleurs
L'encadrement type d'une compagnie se composait donc d'une part d'européens qui occupaient les postes de Commandant, Adjoint de Commandant, Agent de Service Général et Comptable
Source : Droits réservés
et d'autre part d'Indochinois en qualité d'interprètes ou de surveillants majors. Venait ensuite les surveillants de 1ère et de 2ème classe.
Groupe d'Indochinois en tenue de sortie dont l'un d'entre eux arbore distinctement l'insigne de la M.O.I.Source : Droits réservés
La valeur de l'encadrement
Elle a été jugée de façon très contrastée, en particulier en ce qui concerne le premier encadrement européen.
Nous ne nous attarderons pas sur l'attitude condamnable de certains cadres lors de l'exode des compagnies et dont nous parlons plus loin.
D'autres faits, indéniables, sont survenus qui décrédibilisèrent à nouveau cet encadrement tels que :
- le détournement de vivres et de vêtements vers une utilisation familiale ou vers le marché noir,
- la persistance d'un comportement en vigueur dans la colonie fait de mauvais traitements et de sévices, le type de candidats recherchés en premier lieu - anciens militaires coloniaux ayant déjà séjourné dans la colonie - expliquant sans doute en partie cela.
Source : Journal Officiel
Source : Journal Ouest-Eclair du 5 janvier 1940 & Journal de l'Officier de réserve avril 1940
Ces recrutements ne furent d'ailleurs pas suffisants, le nombre de postulants à se présenter ou réellement disponibles ne permit pas de pourvoir à tous les postes. Il fut donc nécessaire d'élargir les embauches à des personnels non anciens militaires ou fonctionnaires coloniaux.
Il fallut attendre l'année 1943 pour qu'un effort important, quoique circonstanciel, fut fait concernant le nombre et la qualité des cadres européens.
"En quelques mois, un tiers environ du personnel d'encadrement fut remplacé par de jeunes Administrateurs récemment sortis de l'Ecole Coloniale, ou même par des Administrateurs confirmés retenus en France par l'interruption des communications avec les territoires d'Outre-Mer".
Cette initiative, longtemps attendue et réclamée, est à mettre au crédit d'Henri MAUX alors Directeur du Personnel au Ministère des Colonies et qui recherchait le moyen d'éviter le S.T.O. aux jeunes élèves administrateurs des Colonies des promotions 1939 à 1941.
Enfin une dernière remise en ordre eût lieu à la Libération quand " le cadre des Agents temporaires fut très sérieusement épuré, autant sur le plan strictement professionnel que sur le plan politique : Quatre-vingts agents environ firent l'objet de mesures de licenciement, il faut y ajouter, en nombre au moins égal, ceux, qui pas très sûrs d'eux-mêmes, démissionnèrent spontanément."
Création de la Direction des Travailleurs Indochinois (D.T.I.)
La lente évolution des Travailleurs Indochinois vers une défiance accrue à l'encontre de la M.O.I. se traduit par la "désertion" d'un nombre non négligeable d'entre eux vers les maquis ou vers d'autres employeurs (environ un tiers de l'effectif). S'y ajoutent un chômage persistant ou des relations difficiles avec leur hiérarchie pour ceux qui y demeurent.
Mais déjà les nouvelles autorités issues de la Libération préparent l'après guerre. Dans la perspective du retour de la Métropole en Indochine, quelle place pour les Travailleurs Indochinois ? On hésite entre la dissolution du Service de la M.O.I. et sa militarisation (déjà 1500 travailleurs ne sont-ils pas volontaires pour un engagement dans le Corps Expéditionnaire Français d'Extrême-Orient) et la rénovation du Service en lui conservant son statut civil. C'est cette dernière solution qui est retenue.
Les deux principales mesures sont le rattachement de ces travailleurs au Ministère des Colonies et la réforme dans un sens plus favorable des règles régissant leurs conditions de vie. Le rattachement des Travailleurs Indochinois au Ministère des Colonies est prononcé par une ordonnance n° 45-1276 du 14 juin 1945.
Le Service de la M.O.I. devient une Direction des Travailleurs Indochinois (D.T.I.).
Cette décision illustre la volonté de mettre à la disposition de la Colonie une main d'oeuvre formée et connaissant les méthodes industrielles modernes. On verra que ces intentions ne pourront que très partiellement être mises en oeuvre.