LES RAPATRIEMENTS
Entre fin 1939 et juin 1940, 191 travailleurs, déclarés inaptes par les services médicaux de la Base Principale de débarquement de Marseille, avaient déjà été réembarqués à destination de l'Indochine. En voici le détail :
19/12/1939 CAP PADARAN 7Parti de Marseille le 7 juin 1940, le "Jean Laborde" ramenait 13 O.N.S. en Indochine. Suite à l'armistice, il reçut l'ordre de rejoindre le port de Pointe Noire au Congo puis il revint en métropole après avoir résisté à la pression gaulliste lors du ralliement de ce Territoire à la France Libre. Un travailleur ne revint pas, décédé à l'hôpital de Pointe Noire.
19/01/1940 MARECHAL JOFFRE 329/02/1940 CAP TOURANE 7520/03/1940 CAP SAINT JACQUES 1913/04/1940 CAP VARELLA 3117/05/1940 MARECHAL JOFFRE 4301/06/1940 CAP PADARAN 1207/06/1940 JEAN LABORDE 1
Rapatriements de 1941
Après la signature de l'Armistice, la raison de la présence des Travailleurs coloniaux sur le territoire métropolitain disparait avec l'arrêt des productions de guerre. En vue de leur retour les Travailleurs Indochinois furent regroupés dans la zone sud où la plupart d'entre eux se trouvèrent au chômage. Un plan de rapatriement fut adopté en vertu duquel les compagnies seraient renvoyées en Indochine dans le même ordre que celui de leur arrivée.
Les premiers départs eurent lieu en janvier 1941 par la route Marseille- Oran-Casablanca-Dakar-Tamatave-Diego Suarez-Saïgon. En effet, après l'entrée en guerre de l'Italie aux côtés de l'Allemagne, de sérieuses menaces sur le trafic maritime en Mer Rouge étaient apparues avec les affrontements entre Anglais et Italiens. Ces premiers départs se firent lentement car l'envoi de troupes pour protéger l'Indochine, contre les visées siamoises en particulier, et le rapatriement des tirailleurs indochinois et malgaches était prioritaire.
En treize bateaux, ce furent près de 4 100 travailleurs (chiffre nécessitant des vérifications) seulement qui purent être rapatriés. A titre de comparaison, quinze navires avaient suffi pour acheminer 19 362 hommes lors du voyage aller.
. les navires
Rapatriement des Travailleurs Indochinois en 1941 au départ de Marseille
Navire Date de départ Date d'arrivée Arrivée à Effectif * ObservationsERIDAN 22/01/1941 25/03/1941 Saigon 199 tous sanitairesainsi que 86 OS LINOIS 11/02/1941 19/05/1941 Saigon 250dont 20 sanitaires CHENONCEAUX 20/02/1941 05/05/1941 Saigon 501dont 50 sanitaires dont 1 OS DUPLEIX 19/03/1941 21/06/1941 Saigon 240dont 25 sanitaires COMPIEGNE 25/03/1941 25/06/1941 Saigon 250dont 25 sanitaires SAGITTAIRE 01/04/1941 12/06/1941 Saigon 450dont 30 sanitaires ST LOUBERT BIE 11/04/1941 26/05/1941 Durban 523dont 31 sanitaires LECONTE DE L'ISLE 19/04/1941 08/07/1941 Saigon 125 aucun sanitaireCAP TOURANE 04/05/1941 25/07/1941 Saigon 508dont 72 sanitaires dont 1 disciplinaire CAP VARELLA 22/05/1941 02/11/1941 Saigon 510dont 30 sanitaires CAP PADARAN 14/06/1941 02/11/1941 Saigon 363dont 62 sanitaires ainsi que 35 MS VILLE DE VERDUN 10/07/1941 02/11/1941 Saigon 154dont 65 sanitaires ainsi que 1 MS ERIDAN 12/09/1941 08/12/1941 Oran 82dont 79 sanitaires ainsi que 17 MS
* Ces chiffres sont à affiner de quelques unités car certains comprennent des personnels d'encadrement.
D'autre part il doit être tenu compte de la présence de près de 140 Ouvriers Spécialisés pris en compte par la M.O.I. et dont l'origine est à préciser entre Manoeuvres Spécialisés de la Marine et ouvriers des cartoucheries qui sont venus dans des conditions différentes de celles des O.N.S.
. les traversées de retourSi la plupart des convois arrivèrent à bon port, le "Saint Loubert Bie" sera arraisonné par la marine britannique au large du Cap et ses travailleurs des 5ème, 6ème et 7ème compagnies débarquèrent à Durban où ils furent retenus. Certains rallièrent alors la France Libre comme Nguyen Phuc Ky, auteur du livre "Itinéraire d'un gardien de buffles", les autres rejoignirent Madagascar en juillet 1943 et ne retrouveront leur terre natale que plusieurs années après.
Quant à "l'Eridan", lors de son second voyage, il fut contraint de faire demi-tour, ses travailleurs posant le pied à Oran en décembre 1941. Ces ouvriers seront repris à l'effectif et ne seront donc plus considérés comme ayant été rapatriés.
Témoignage de J.L.
"J'entrais donc dans la Coloniale le 7 mai 1941, à Marseille. Affecté à Fréjus, au camp de Caïs, j'ai pris le commandement d'une compagnie de Malgaches, en attente de rapatriement sur leur île, depuis presqu'un an. Enfin le 12 septembre 1941, j'ai embarqué, à Marseille, sur l'Eridan, un magnifique paquebot. Depuis l'affaire de Mers-el-Kebir, les navires français ne pouvaient plus franchir, ni le Canal de Suez, ni le Détroit de Gibraltar, avec des troupes à bord. Les militaires, nous avons donc été débarqués à Arzew, en Algérie, et transportés, par train, d'Oran à Casablanca, où nous avons retrouvé l'Eridan, qui était passé par le Détroit de Gibraltar, avec ses passagers civils.... "
" Notre paquebot était accompagné par deux sous-marins(Le Héros et Le Glorieux), un aviso colonial (Le Dumont d'Urville) et deux cargos transportant des munitions...escale de plusieurs jours, à Dakar, à partir du 3 octobre,puis direction sud pour contourner l'Afrique et rejoindre Diego Suarez, à Madagascar...passage de l'Equateur, avec baptême et grande fête...quand..., aux environs de l'Ile de Sainte Hélène, le bateau se met à tourner en rond !!! Renseignements pris, les autorités ont donné l'ordre à l'Eridan de faire demi-tour et de revenir à Dakar. La raison : cinq bateaux français, revenant d'Indochine, ont été saisis par les Anglais, au large du Cap de Bonne Espérance.
Un autre passager, qui ne sait pas encore qu'il deviendra quelques mois plus tard Directeur de la M.O.I., raconte :
Quelques jours plus tard, nouvel arrêt mais plus long. Des vedettes vont d'un bateau à l'autre. Mouvements nombreux, agitation manifeste. Nous remarquons que, sur les sous-marins, des matelots sont en train de recouvrir les couleurs tricolores du kiosque de la teinte grise des superstructures ; c'est un exercice de peinture, gouaille un passager ! Etonnement des officiers de marine. La cloche du déjeuner sonne. Pendant le repas, les machines se remettent en marche, le bateau vibre ; une fois sur le pont, il est évident que nous avons fait demi-tour, sauf les sous-marins et l'aviso qui reprennent leur route vers le sud ; tous les bâtiments ont hissé le pavillon "bon voyage". Nous étions sensiblement sur le parallèle de Sainte Hélène. Le bruit court que nous avons ordre de rentrer à Dakar à toute vitesse. On apprendra ultérieurement qu'un convoi venant d'indochine avait été arraisonné par les Anglais à hauteur de Natal et que les autorités maritimes n'avaient pas voulu risquer qu'un sort analogue échût au nôtre.
Extrait du livre "Gouverneur dans le Pacifique" par Aimé Louis Grimald
Extrait du témoignage de René POUJADE le 16/02/2004 :
"J'ai effectivement fait le voyage vers l'Indochine en 1941 à bord du Compiègne et mon bon camardade LONGELIN l'a fait à bord du Sagittaire. Notre traversée a duré 92 jours jusqu'à Saïgon, avec escales à Oran, Casablanca, Dakar (une semaine environ), Tamatave (plusieurs jours), Diégo Suarez et un arraisonnement dans le Détroit de la Sonde par le patrouilleur néerlandais Sirius qui nous a convoyé à Batavia (Djakarta) où nous sommes restés une journée dans l'espoir vain de pouvoir rallier les Forces Françaises Libres."
"Nous avions à bord des Travailleurs Indochinois (un demi millier ?) qui étaient logés dans deux cales à l'avant du navire. Ils dormaient sur ce que l'on appelait des chassis, c'est à dire des lits superposés dans des cadres de bois, par files accolées deux à deux dans le sens du navire. Cela n'avait pas été installé pour eux. Il s'agit là de ce que l'on retrouve à peu près partout pour le transport de troupes, parfois en charpentes métalliques. La pénibilité vient du nombre, puis de l'aération.
Comme beaucoup de mes camarades, guère mieux logés mais plus libres de circulation à bord, j'ai eu l'occasion de distinguer ces installations à partir des panneaux de cales enlevés lorsque la mer le permettait. Ce qui m'a le plus frappé c'était l'odeur de renfermé qui remontait bien qu'il y ait eu des manches d'aération. Je crois me souvenir que ces travailleurs avaient leur cuisine réservée. Je sais qu'il devait y avoir des contacts (autorisés ou pas ?) puisque c'est un travailleur qui m'a fait goûter pour la première fois un riz cantonais. Je n'ai jamais entendu dire qu'il y eut des mouvements de révolte de ces travailleurs, mais il y eut des protestations sur les conditions de vie, comme d'ailleurs de la part des soldats européens faisant partie des renforts vers l'Indochine."
Un fait retient l'attention : le nombre de décès lors de ces rapatriements atteint le chiffre de 56 selon Pierre Angeli. Pour quelles raisons ? Comme nous n'avons pas d'informations relatives à des morts par faits de guerre, on doit donc considérer que ces disparitions sont les conséquences d'un état de santé particulièrement dégradé au départ de France.
On pourra prendre comme une première indication le tableau présenté un peu plus haut qui fait ressortir le rapatriement prématuré de 688 ouvriers pour raison sanitaire.
A ce moment il restait en France 15 000 travailleurs indochinois, répartis en 60 compagnies.
Les rapatriements définitifs d'après-guerre
Lors du rétablissement des relations maritimes avec l'Indochine en octobre 1945, le rapatriement des Travailleurs Indochinois n'est pas envisagé immédiatement. On peut penser que deux facteurs en sont la cause :
-La priorité est à la reconquête militaire de la colonie. L'envoi de troupes est donc jugé plus urgent. On remarquera à ce propos que les autorités françaises comptaient au moins sur certains Travailleurs car nous avons retrouvé trace de l'envoi à Calcutta, sous l'égide de la D.G.E.R. (Direction Générale des Etudes et Recherches), de vingt sept Travailleurs en vue de les parachuter en Indochine dans le cadre de la lutte contre les Japonais.
- les prisonniers ne sont pas tous de retour et les besoins en main-d'oeuvre sont grands.
C'est au début de l'année 1946 que l'opération rapatriement est lancée. En premier lieu, il est constitué une Base de Débarquement des Travailleurs Indochinois (BDTI) à Cap St Jacques sous l'autorité du Lt Colonel DEBARGE. Elle est chargée de recevoir les Travailleurs, de liquider les formalités administratives (versement des salaires et primes, change francs/piastres, déréquisition) et d'organiser leur mise en route vers leur province d'origine.
Un ordre prioritaire est établi. Les premiers à bénéficier de ces opérations, sont une cinquantaine de Cambodgiens réclamés par le Prince SISOVATH YOUTEVONG et qui embarquent le 23 mars 1946 à bord du Maréchal Joffre .
Viennent ensuite des rapatriements, en petits groupes, de travailleurs "prioritaires", malades ou âgés.
C'est très lentement, pour ne dire plus, que les retours ont lieu, puisque seulement 1100 Travailleurs quitteront la Métropole en 1946 alors que lors de l'installation de la BDTI, les autorités tablaient sur un flux de 2500 passages par semestre avec un doublement "si possibilité de transport direct sur Tourane ou Haïphong ou transbordement en rade de Cap Saint Jacques".
L'année 1947 sera quant à elle pratiquement vierge de rapatriements.
. Que s'est-il donc passé ?
L'opération, lancée au printemps 1946, semblait partie pour se dérouler selon les prévisions. Lors du séjour du Président HO CHI MINH à Paris à l'occasion de la Conférence de Fontainebleau, il avait rencontré à ce sujet les Responsables français et écrivait le 24 juillet :
"Travailleurs, mes chers compatriotes.
En accord avec les représentants du Gouvernement Français concernant votre rapatriement il est décidé comme suit :
1) Tous, vous devrez être vaccinés contre les maladies épidémiques.
2) Vous serez sous les ordres de vos délégués élus par vous.
3) Vous serez considérer à bord, dans les mêmes conditions de vie que les autres passagers.
4) Vous avez le droit d'emporter avec vous 50 kilos de bagages, sans compter le poids des accessoires et outils professionnels pour lesquels vous bénéficierez de la franchise des Douanes.
5) Vous toucherez chacun : avant le départ, le pécule et pendant la traversée, votre allocation journalière par grade, plus une indemnité journalière uniforme de 60 f. payées à l'arrivée avant le débarquement."
etc ......................
C'est pourtant dans un contexte de grande incertitude que vont s'inscrire ces retours.
Les évènements qui se produisent dans la colonie monopolisent sans doute les moyens de transport, mais l'agitation qui sévit dans les camps de Travailleurs en France et surtout peut être la politisation de plus en plus importante de ces derniers conduit-elle les autorités à hésiter entre le renvoi de ces hommes chez eux, au risque qu'ils constituent un appoint aux "rebelles", et le prolongement de leur maintien en Métropole.
Cette valse hésitation durera jusqu'à mi 1948 attisant encore le mécontentement d'hommes loin de leur pays depuis bientôt dix ans.
. 1948-1950 : les gros rapatriements
C'est à partir du milieu de l'année 1948 qu'ont enfin lieu des rapatriements de groupes importants et ceci de façon régulière. Il apparaît qu'à ce moment le Gouvernement se soit résolu à les renvoyer en commençant par ceux qui sont jugés inoffensifs (malades), ou favorables (Cochinchinois, caodaistes).
Certains travailleurs s'étaient engagés dans l'armée, souvent à l'issue d'un passage dans un groupe de résistance. Ceux qui ne sont pas rentrés dans leur compagnie sont restés sous statut militaire et ont été rapatriés par l'Autorité militaire, soit sur les mêmes navires que leurs anciens camarades, soit sur d'autres navires. Nous en avons retrouvé quelques-uns sur l'année 1949 (leur nombre total n'est pas aisé à connaître), ils figurent en partie droite du tableau. Les effectifs donnés sont "à minima" compte-tenu des documents qui nous ont permis de les identifier. D'autres documents nous indiquent que dès 1946 certains d'entre eux avaient déjà retrouvé le sol natal.
..............Les principaux navires arrivés à la Base de Débarquement des Travailleurs Indochinois ..............................(Tableau non exhaustif, recherches en cours)
Navire Date de départ Date d'arrivée Effectif ObservationMaréchal Joffre 23/03/1946 28/04/1946 50Cambodgiens 6interprètes Cap St Jacques 25/05/1946 14/07/1946 18Sanitaires venus de Caïs Pasteur 14/09/1946 30/09/1946 100Sanitaires et âgés Chantilly 02/08/1946 13/11/1946 209Prioritaires et grands malades En avarie grave à Tamatave, le Chantilly sera suppléé pour terminer ce long voyage retour (près de trois mois et demi) par le navire-hôpital anglais Somershetshire.Maréchal Joffre 05/11/1946 29/11/1946 133Prioritaires et sanitaires Félix Roussel 26/11/1946 23/12/1946 275Prioritaires Champollion 17/12/1946 12/01/1947 307Prioritaires Maréchal Joffre 06/05/1947 31/05/1947 1Cambodgien Athos 03/06/1947 27/06/1947 1Cambodgien Félix Roussel 21/08/1947 12/09/1947 1Calais 24/02/1948 27/03/1948 103Sanitaires 127Internés de Bias Félix Roussel 25/03/1948 21/04/1948 3Chantilly 13/04/1948 14/05/1948 202Maréchal Joffre 05/05/1948 04/06/1948 1Champollion 27/07/1948 22/08/1948 3Saint Nazaire 25/07/1948 24/08/1948 512Chantilly 28/08/1948 27/09/1948 92Vercors 08/09/1948 10/10/1948 675Oyonnax 03/10/1948 04/11/1948 543Pasteur 23/10/1948 10/11/1948 10Sainte Mère Eglise 22/10/1948 22/11/1948 542Calais 16/12/1948 17/01/1949 504Chantilly 22/01/1949 24/02/1949 64Courseulles 26/02/1949 30/03/1949 645Champollion 18/03/1949 11Yang Tsé 21/03/1949 22/04/1949 599Andre Lebon 17/06/1949 9Champollion 19/03/1949 11/04/1949 1Lyon 28/06/1949 5Chantilly 18/05/1949 19/06/1949 69Jamaïque 20/07/1949 24Chantilly 12/09/1949 12/10/1949 79Jamaïque 11/10/1949 23Beauvais 29/10/1949 01/12/1949 548Sontay 17/10/1949 11Andre Lebon 28/11/1949 24/12/1949 370Maréchal Joffre 06/12/1949 03/01/1950 610Yang Tsé 06/01/1950 08/02/1950 601Lyon 14/01/1950 20/02/1950 632Chantilly 12/01/1950 14/02/1950 40Andre Lebon 04/03/1950 30/03/1950 1avec épouse et 4 enfants Sontay 04/03/1950 08/04/1950 581Chantilly 22/04/1950 25/05/1950 30La Marseillaise 05/05/1950 23/05/1950 1Zan 47 Athos 2 09/05/1950 03/06/1950 705Cap Tourane 24/05/1950 25/06/1950 408Champollion 05/07/1950 28/07/1950 102Chantilly 11/08/1950 09/09/1950 8Cap Tourane 03/10/1950 02/11/1950 7Chantilly 25/11/1950 29/12/1950 6
La BDTI est dissoute le 30 septembre 1950. A compter de ce jour, ceux des Travailleurs isolés restés en France en situation de levée de réquisition bénéficient encore pendant deux ans de la gratuité du rapatriement.
Du côté de la métropole, le Service Central des Travailleurs Indochinois, dépendant de la Direction des Travailleurs Indochinois du ministère de la France d'outre-mer est supprimé le 31 décembre 1950. Un bureau de liquidation est créé le 30 décembre du même mois au ministère des Relations avec les Etats Associés - Service des Affaires Politiques. Sur le plan pratique, subsiste à Marseille un Bureau d'Embarquement des Travailleurs Indochinois intégré au Service Colonial.
A partir de cette date, la réception en Indochine et la mise en route des anciens travailleurs indochinois sur leur province d'origine est réalisée par le Service Social du Haut Commissariat pour l'Indochine.
Quelques uns partirent donc jusqu'à fin 1952, voire un peu plus tard.
...........Navires arrivés après la fermeture de la Base de débarquement .......................... (Tableau non exhaustif, recherches en cours)
Navire Date de départ Date d'arrivée Effectif ObservationJamaïque 12/03/1951 4André Lebon 20/03/195115/04/1951 11Félix Roussel 16/06/1951 2Pasteur 08/06/195122/06/1951 11Athos II 10/07/195103/08/1951 1Félix Roussel 17/08/195108/09/1951 7Cap Tourane 25/10/195126/11/1951 8Cap Tourane 19/02/1952 17Campana 25/02/1952 1Félix Roussel 07/03/1952 1Jamaïque 12/02/195213/03/1952 2Cap St Jacques 19/03/195220/04/1952 16Campana 03/05/1952 1André Lebon 09/05/195205/06/1952 11Cap St Jacques 16/06/195211/07/1952 8Cap Tourane 02/07/195201/08/1952 11Gascogne 23/08/195223/09/1952 21 00/10/1952 20 00/11/1952 30Jamaïque 15/12/1952 1Campana 00/01/1953 80Campana 16/05/1953 3
Une arrivée sous le signe de la méfiance
Le régime de rapatriement des Travailleurs Indochinois a été fixé par instruction interministérielle n° 10.096/DTI/CAB du 26 août 1946. A l'embarquement, les travailleurs devaient recevoir un trousseau neuf et toucher le solde du Compte Dépôt Piastres (en francs).
Au débarquement, les principales opérations étaient les suivantes :
. fouille des bagages, par des Gardes Républicains puis, à la suite de plaintes, par des douaniers,
. échange des francs détenus contre des piastres,
. levée de réquisition définitive,
. versement d'une prime de déréquisition de 65 piastres,
. versement d'une prime de congés payés de trois mois de 450 piastres,
. versement d'une prime de frais de route pour dix jours de 750 piastres
La majorité des rapatriés a touché la terre natale au Cap St Jacques.
Ceux de Cochinchine et de l'Annam méridional ont été autorisés à rejoindre leurs provinces. Certaines routes s'avérant peu sûres, des avisos et des dragueurs furent quelquefois sollicités pour les déposer près de leur village.
Puis,
"par suite des évènements du Tonkin et du Nord Annam, l'acheminement des travailleurs sur leur province d'origine a été suspendu. Seuls les Cochinchinois ont été déréquisitionnés ……"
Après transbordement ou mise en subsistance plus ou moins longue, une partie d'entre, eux originaires des provinces du nord, a été réacheminée, au gré de la situation militaire du moment, et avec précautions, sur les ports de Tourane et de Haïphong.
Extrait de consignes secrètes concernant la conduite à tenir à l'égard d'un détachement de 386 travailleurs indochinois embarqués au Cap Saint Jacques le 17 novembre 1948 sur le paquebot St Michel à destination de Tourane et Haïphong :
"la levée de réquisiton définitive ne sera prononcée qu'à l'arrivée dans les ports, interdire toute brimades, réduire les relations avec les autres passagers, . ne pas accepter d'entrer en relation avec des délégués élus. Au contraire, désigner d'office des responsables, choisis parmi les interprètes."
Des notes de 1951, donc à un moment où la plupart des travailleurs sont rentrés, constatent "qu'il y aurait intérêt à maintenir les travailleurs indochinois rapatriés dans les zones contrôlées" et que se pose la "question de l'opportunité du retour dans leur village des O.N.S. originaires des régions incontrôlées", "susceptibles de constituer un appoint non négligeable pour les rebelles".
De fait, il a déjà été constaté des ralliements. Par exemple une note émanant du Commissaire de la République de Nha Trang le 9 avril 1948 indiquait que dans la nuit du 30 au 31mars, et dans celle du 31 mars au 1er avril, 56 travailleurs sont passés au Viêt Minh.
Toutes les parties impliquées dans le conflit, y compris les ONS eux mêmes appréhendent ces retrouvailles avec le pays. Certains travailleurs se font remettre avant leur embarquement un certificat de civisme à présenter aux autorités Viêt Minh tel que l'un d'entre eux, retrouvé en archives, indiquant que "ce camarade n'a cessé d'être fidèle. Nous espérons que les compatriotes ne le suspecterons pas"
De son côté, le Viêt Minh, sans être hostile à tout ralliement, n'en reste pas moins sur ses gardes. Une information du S.D.E.C.E. en date de novembre 1949, sans doute suite à une interception, résume bien cet état de fait :
"Ayant apris la relaxation d'environ 50 O.N.S. rapatriés de France, faite à Quang Binh par les autorités françaises, le ministère de l'intérieur VM a donné l'ordre aux organismes locaux des différents échelons de les suivre de près et d'apporter le plus grand soin dans leur embauchage pour les raisons qui suivent :
1 - De très nombreux ouvriers V.N. en France ont adhéré à la 4ème Internationale,
2 - Dans les rapatriés se trouvent des agents utilisés par les Français."
Les mesures d'accueil
On remarque que dès 1943, le souci de préparer le retour des travailleurs était présent dans l'esprit des autorités. Ainsi dans un arrêté du 31 janvier signé de l'Amiral Decoux, pris en vue de faciliter l'accès aux emplois administratif de secrétaires et dactylos, la limite d'âge pour postuler est repoussée de 3 ans plus d'un nombre d'années égal à la durée du séjour en métropole.
Plus tard en Cochinchine, est institué par arrêté du 4 janvier 1946, un Comité pour le reclassement des Cochinchinois (travailleurs et tirailleurs) rapatriés de France. Des mesures particulières sont prises telles que :
. une exemption de charges fiscales et cantonnales pendant un an,
. la distribution de parts de công-diên,
. la mise à disposition de terres domaniales d'un maximum de dix hectares,
. un accès aux emplois publics facilité.On peut cependant s'interroger sur l'efficacité réelle de certaines mesures au vu, par exemple, d'une note du 20 janvier 1951qui demande de "rechercher une solution pratique" aux difficultés que rencontrent d'anciens tirailleurs ou travailleurs qui postulent à un emploi civil dans l'armée ou dans l'Administration, pour constituer leur dossier réglementaire d'engagement dans les cadres du personnel civil.
De même, nous n'avons pas, pour l'instant de renseignements précis sur le nombre d'anciens travailleurs qui ont bénéficié des mesures de réinsertion mentionnées.
L'intégration des Travailleurs Indochinois restés en France