Les anciens travailleurs requis au Viêtnam en 2007
C'est au cours de l'été 2006, dans le cadre de mes recherches universitaires, que j'ai retrouvé d'anciens travailleurs indochinois requis par la France pour la Seconde Guerre mondiale.
Les survivants de ces 20.000 travailleurs requis ne sont plus aujourd'hui que quelques dizaines. Très âgés, pour certains très affaiblis et malades, ils vivent pour la quasi-totalité dans des conditions misérables, surtout ceux qui habitent à la campagne. Ils résident la plupart du temps dans des habitations qui ne comptent qu'une ou deux pièces, avec leurs enfants et parfois leurs petits et arrières petits-enfants. Lorsqu'ils sont encore valides, ils poursuivent le travail à la rizière pour subvenir à leurs besoins. Lorsqu'ils ne sont plus en état de travailler, c'est leurs proches qui assurent, dans des conditions difficiles, leur subsistance : c'est le cas de Trinh Van Khau dont la femme doit tenir un petit commerce de riz au détail. Cette situation de précarité extrême n'est pas récente, elle est leur lot depuis un demi-siècle : à leur rapatriement de France, ils sont revenus à leur condition sociale de départ c'est-à-dire qu'ils ont réintégré la paysannerie pauvre du Viêt-nam. Souvent, il leur a fallu comme Tran Cong Giao repartir de zéro : "A mon retour, mon père et ma grande soeur étaient morts - en 1945, ma maison avait été détruite et brûlée par l'armée française et ma femme avait pris un autre mari".
Ces hommes ont survécu à trois guerres : la seconde guerre mondiale en France puis la guerre d’Indochine et enfin celle du Viêt-nam (1963-1975). Aujourd’hui, au terme leur vie, ils ne comprennent toujours pas pourquoi la France n’a jamais reconnu leur participation à l’effort de guerre de ce qui fut jadis pour eux la « mère patrie », d’autant qu’ils n’ignorent pas que leurs compatriotes restés en France ont bénéficié de la validation de leurs années de réquisition pour le calcul de leur retraite. En effet, malgré leur réclamation, aucune pension ne leur a jamais été versée pour les dix à quinze ans passés à travailler en France.
Liêm-Khê Luguern, le 28 février 2007